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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY

III

Cependant une peur le tenait : quel sera le résultat de l’expertise ?

Ravary, comme Pellieux, a accepté, sans discuter, ses mensonges : la dame voilée, le manuscrit d’Eupatoria. Mais il existe, au moins, une preuve matérielle de son crime : le bordereau. Si les experts le lui attribuent, il est perdu.

Et l’État-Major avec lui. Boisdeffre, Gonse, Du Paty, surtout Henry, ne sont pas moins inquiets que lui : tout s’écroule s’il se trouve seulement deux honnêtes gens parmi les experts.

Pellieux, précédemment, avait confié l’examen de la lettre « du Uhlan[1] » à trois hommes de l’art : Charavay : un vieil inspecteur d’académie, Belhomme ; un architecte devenu expert, Varinard. Ravary, assez logiquement, leur voulut confier l’expertise du bordereau. Charavay se déroba : il avait, en 1894, attribué le bordereau à Dreyfus. Il fut remplacé (mais seulement pour le bordereau) par Couard, paléographe, ancien élève de l’école des Chartes, jocrisse savant, patelin et jovial, autrefois protégé des juifs de Metz, depuis antisémite, avec d’utiles parentés dans l’Église, et père lui-même de deux prêtres, les abbés Joseph et André.

Les autres (Varinard, Belhomme) hésitèrent à accepter cette nouvelle mission. Ils ne voulaient pas être

  1. Pellieux l’avait mise sous scellés, à la suite de la confrontation du 30 novembre entre Esterhazy et Mme de Boulancy qui, tous deux, signèrent avec lui sur l’enveloppe.
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