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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Or, le faussaire « n’était pas un professionnel ». Il a donc eu « besoin de consulter souvent l’alphabet qui lui servait de guide, et, chaque fois qu’il y jeta un coup d’œil, il se produisit un temps d’arrêt dans le mouvement de sa main et, par suite, des hésitations, des reprises et des retouches, comme on en voit tant dans le bordereau et comme on n’en voit pas dans les écrits reconnus par Esterhazy ».

Ce rapport « enchanta » l’État-Major[1] ; Du Paty s’empressa de le communiquer en copie à Esterhazy. Mais Esterhazy le trouva absurde, et, bien plus, insuffisant ».

Pour la fameuse lettre à Mme de Boulancy. Charavay consentit à signer, avec Varinard et Belhomme, qu’elle « pourrait être l’œuvre d’un faussaire[2] ». Esterhazy se contenta de ce doute[3]. Mais Mme de Boulancy,

  1. Billot (Cass., I, 13) dit qu’il ne s’occupa pas de l’expertise : « Je, n’ai pas pu entrer dans les détails. »
  2. Rapport du 9 janvier 1898 au général de Pellieux : « Cette pièce nous paraît être d’une origine très suspecte et nous semble plutôt une imitation courante et à main levée de l’écriture du commandant Esterhazy qu’une pièce originale. » — Procès Zola, II, 88, Pellieux ; 84, Varinard. « Le rapport des experts, demande le président, a dit que c’était un faux, n’est-ce pas ? — Pellieux : Je ne me rappelle pas exactement les termes. — Varinard : Je ne me rappelle pas non plus les termes exacts du rapport. — Me Clemenceau : Je crois que les experts ont dit que, s’il y avait un doute, il devait profiter à l’accusé. » (II. 89.) — Varinard, au lendemain de l’acquittement d’Esterhazy, avait été plus catégorique : « Cette lettre est faite de toutes pièces. Les retouches y sont nombreuses. Or, Esterhazy ne retouche jamais son écriture ; elle est entière comme son caractère. » Charavay y mit plus de réserve : « La lettre nous a paru plutôt l’œuvre d’un faussaire habile qu’un original. Elle exprime des sentiments très spéciaux qui, à cette époque, cela ressort de l’enquête, ne pouvaient être ceux d’Esterhazy. Il y avait des doutes qui devaient profiter à l’accusé. » (Matin du 15 janvier 1898.)
  3. Pellieux lui fit communiquer le rapport des experts (Procès Zola, I, 483). — Le 24 décembre, Esterhazy avait écrit