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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


seur ; ils plaident gratuitement. Demange, avec sa loyale franchise, objecta que les deux avocats devaient se présenter dans les mêmes conditions ; or, il tenait, comme par le passé, à prendre toute sa responsabilité et il ne faisait pas consister la délicatesse à décliner des honoraires dans la plus noble des causes, alors que les avocats en reçoivent, légitimement, pour les plus douteuses. Labori renonça à ce qu’il considérait, à bon droit, « comme une sauvegarde[1] ».

Le 1er janvier, un journaliste italien, Casella, entretint Schwarzkoppen à Berlin. Le colonel allemand, « aide de camp de l’Empereur et Roi », rappela à son interlocuteur la déclaration explicite du comte de Munster ; il ajouta : w Le bordereau n’est pas de Dreyfus. Je sais que Dreyfus n’est pas coupable. — Avez-vous connu Esterhazy ? — Je le crois capable de tout[2]. » Il n’en voulut pas dire davantage, mais, comme Casella repartait pour Paris, il lui remit une lettre pour Panizzardi.

Casella avait fait le voyage à la demande de Mathieu Dreyfus ; il lui donna rendez-vous dès son retour, mais se mit volontairement en retard. Matthieu, introduit dans la chambre de l’Italien, y aperçut sur une table, où l’autre l’avait laissée en évidence, la lettre de Schwarzkoppen à Panizzardi. Il hésita, puis refusa de comprendre l’invite. Le compatriote de Machiavel lui en marqua quelque dédain, puis porta la lettre à Panizzardi. Schwarzkoppen rappelait à son ami qu’il lui avait remis, avant de quitter Paris, les photographies des pièces mentionnées au bordereau : « Comment cette

  1. « J’ai fait à Demange, sur sa demande personnelle, le sacrifice de ne pas me faire couvrir par une commission d’office… J’ai renoncé à cette sauvegarde par déférence confraternelle. »
  2. Procès Zola, II, 518, Casella.