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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


canaille d’Esterhazy se tirera-t-elle d’affaire ? Même s’il est acquitté, comment pourra-t-il continuer à vivre en France[1] ? »

C’était le mot fameux sur le cardinal de Rohan : « Qu’on ne pende pas Son Éminence ; je ne sais qui dorénavant le pourra être en France. »

Une pareille lettre, si elle avait été interceptée, photographiée et publiée, eût paru un témoignage irrécusable. Casella avait soupçonné cette arrière-pensée à Schwarzkoppen. Quand Panizzardi lui donna lecture de la missive, il raconte « qu’il ne put retenir un moment de fureur ». Il courut chez Mathieu : « Vos adversaires luttent avec l’épée et le poignard ; vous ne luttez qu’avec l’épée ; vous ne savez pas combattre et vous serez vaincu. — Non, dit Mathieu, car la justice et la vérité combattent pour nous[2]. »

VIII

La veille du procès[3], Esterhazy se constitua prisonnier au Cherche-Midi. La manière dont il fut traité lui aurait appris, s’il n’avait pas lui-même réglé la comédie, que son triomphe était proche.

Le conseil de guerre se réunit dans la même salle où Dreyfus avait été condamné. Il comprenait deux com-

  1. Procès Zola, II, 519, Casella.
  2. Récit de Casella dans le Coriere di Napoli du 27 juillet 1898. — Casella eût voulu se faire citer au procès Esterhazy ; Demange, Labori et Leblois s’y opposèrent.
  3. 9 janvier 1898. — Il annonça aux journalistes que son acquittement était certain. (Matin du 10.)