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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


pour lui un grand mépris, qui, déjà en Tunisie, l’avait cru espion, qui était convaincu de l’innocence de Dreyfus, homme de science, d’ailleurs, et d’esprit philosophique. Quatre jours avant le procès[1], il écrit : « Cependant, si j’étais membre du conseil de guerre, j’acquitterais. » Et cela, il l’écrit sans embarras, l’esprit en repos.

Au lendemain de la dénonciation d’Esterhazy par Mathieu Dreyfus, un général dit à un diplomate : « Enfin ! ce misérable va être démasqué. » Or, dans le dossier qui est là, sur cette table, devant les juges, il y a un certificat donné par lui-même, depuis huit jours, à Esterhazy. Il s’en excuse d’un mot : « La discipline a de dures exigences. » Et, le soir de l’acquittement, un des juges, qui avait connu Esterhazy, ses friponneries et l’ignominie de sa vie, dira, la conscience plus légère : « Je tremblais de le trouver coupable. »

IX

L’affaire fut vivement enlevée, en deux jours[2], à deux séances par jour.

Le conseil repoussa, d’abord, les conclusions de Lucie et de Mathieu Dreyfus, tendant à être autorisés à intervenir dans les débats, subsidiairement à y assister.

Labori plaida au fond ; Demange, en quelques mots, invoqua, « au-dessus de la loi silencieuse, les règles immuables de la justice ». Non seulement le commissaire

  1. Lettre du 6 janvier 1898 à X…
  2. 10 et 11 janvier 1898.