Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Ainsi s’affirmait la main-mise de la droite sur la Chambre et sur le Gouvernement. De Mun, pour être obéi, n’avait plus qu’à parler, — bien moins, qu’à demander la parole. On cédait sur l’heure, rien que pour éviter le discours qui, trop brutalement, devant les électeurs, eût attesté la dictature de l’orateur catholique. On n’a pas perdu la bataille, quand on met bas les armes avant de tirer un coup de canon.

C’est ce que fit Méline, quand la séance reprit. Il dit tout de suite que « le Gouvernement comprenait, partageait l’émotion et l’indignation de la Chambre ». « Ces abominables attaques » seront déférées à la justice, « bien que ces poursuites soient cherchées et voulues pour prolonger l’agitation ».

En conséquence, Méline supplia les interpellateurs de s’en rapporter « à sa sagesse et à sa fermeté », c’est-à-dire de renoncer au débat.

Tant d’humilité et de promptitude eût dû désarmer la droite, mais l’Église veut les triomphes complets. Il ne lui suffit pas que le vaincu vienne à Canossa ; il faut qu’il y attende pieds nus, en chemise, dans la cour, sous la pluie et sous le rire des laquais.

De Mun répliqua durement que sa conscience l’obligeait à réclamer l’intervention de Billot. L’article de Zola[1] est « un outrage sanglant aux chefs de l’armée. C’est du chef de l’armée que cet homme doit recevoir la réponse qu’il mérite. Il faut que le ministre de la Guerre déclare, encore une fois, qu’en son âme et conscience, cette affaire a été bien jugée. »

  1. Il voulut en lire des passages. Les députés protestèrent. Lavertujon : « Ne lisez pas cela à la tribune ! » Riotteau : « Ne faites pas à M. Zola l’honneur de la tribune. » De Mahy : « Ne portez pas ces horreurs à la tribune ! Notre mépris suffit ! »