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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

V

C’est la politique, la méthode, l’art, vraiment admirable, de la Société de Jésus, d’agir, le plus souvent, sans se montrer. À travers tant d’événements qu’elle a conduits depuis quatre siècles, surtout depuis la fin de l’ancien Régime, on la sent, si je puis dire ; on ne la voit pas.

Il en avait été de même, jusqu’à présent, dans l’histoire que je raconte. Partout, le même genre d’action, la même méthode se manifeste. Mais le moteur n’apparaît point.

Du premier jour où éclata la tragédie, la Société l’avait suivie avec une attention soutenue, et avait découvert, d’un œil qui voit loin, l’immense parti qu’elle en pourrait tirer : faire du crime d’un seul le crime de toute une race, « le fond du Juif étant la trahison, la fourberie et le mensonge[1] » ; puis, cette première barrière renversée, submerger sous le même flot « les alliés » des juifs, protestants et francs-maçons, tous les fils de l’Encyclopédie. Et ce sera la victoire du Syllabus, qui dit anathème à la liberté de conscience, la revanche de l’Église contre la Révolution, que ce soit sous un roi ou quelque Césarion restauré, ou sous une République plus misérable que la plus faible des Monarchies.

On lit dans l’Avertissement de l’Instruction du Procès entre les Jésuites et leurs adversaires sur la ma-

  1. Théophile Valentin, Fleurs de l’Histoire. 112 (Toulouse, chez Privat), avec l’approbation du cardinal Desprez, archevêque de Toulouse, de l’évêque de Mende, des vicaires généraux de Paris, du Puy, etc.