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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


silence, les généraux n’en avaient pas usé. Ils ne s’étonnèrent pas davantage de la nouvelle rédaction des aveux, avec la mention de la visite de Du Paty.

Boisdeffre, comme Henry, n’aimait pas à produire ses preuves au grand jour. D’autre part, il n’osa pas dire à Cavaignac qu’il y avait avantage à les garder secrètes. Cet agité eût été homme à concevoir des soupçons. De plus, il voulait renverser le ministère.

Les journaux, amis ou hostiles, n’étaient pas moins gênants ; ils sommaient Billot de sortir la preuve que Cavaignac avait proclamée décisive.

Comme l’Allemagne était nommée dans la lettre de Gonse, Méline objecta, dans une note officieuse, que « des raisons analogues à celles qui avaient décidé le conseil de 1894 à ordonner le huis clos » rendaient cette publication impossible. D’ailleurs, « on paraîtrait mettre en doute l’autorité de la chose jugée ». Mais Cavaignac s’obstina d’autant plus ; le jour même où parut cette note embarrassée, il demanda à interpeller le Gouvernement, et tout de suite.

Les radicaux et les socialistes l’appuyèrent. Que les catholiques se joignissent à eux, le cabinet était en minorité. Cavaignac y comptait. À sa grande surprise, toute la Droite, avec de Mun, soutint au contraire Méline quand, repoussant la discussion immédiate, il posa la question de confiance. Elle applaudit l’apothéose que Méline fit de sa politique : « Nous avons assuré la paix et l’ordre à l’intérieur, grandi l’autorité de la France au dehors. » Même, elle lui passa un mot sévère sur les agitateurs de la rue : « Si l’on veut, sous une forme quelconque, restaurer comme une nouvelle campagne boulangiste, le Gouvernement ne s’y prêtera pas. »

Malgré ce concours de la Droite, qui parut suspect