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LA DÉCLARATION DE BULOW


le chef de l’État-Major et les tribunaux militaires convaincus d’antisémitisme, de passions religieuses, d’aveuglement, sinon de partialité, et déshonorés ». Au contraire, avec un autre ministère, « on pourra compléter l’assignation et présenter le procès sous son vrai jour, comme celui de l’or cosmopolite contre l’armée française, contre la France ! »

Ainsi Esterhazy ne voulait pas que les jurés fussent exposés à choisir seulement entre lui et Zola. Cela était trop chanceux. Il exigeait que l’armée, encore une fois, s’identifiât avec lui, afin que les jurés eussent à opter entre elle et un pamphlétaire. Dès l’origine, l’heureuse tactique de l’État-Major avait consisté à mettre en cause l’honneur de l’armée. On ne change pas de tactique au milieu du combat.

Vue très exacte des choses et que l’événement va confirmer.

Et l’admirable, c’est qu’il ne semblait nullement préoccupé de lui-même, soldat prêt à se faire tuer pour les chefs, mais seulement de Boisdeffre et de l’armée.

« Que faire, continua-t-il, pour empêcher un désastre ? Il eût fallu renverser le ministère avant qu’il ne saisît la cour d’assises. Pourtant, il n’est pas trop tard pour agir. Il faut le renverser demain, et tout entier, car il est tout entier complice. »

Et, comme il connaissait à merveille son terrain parlementaire, il indiqua l’opération : « L’union momentanée des radicaux et de la droite, sur le terrain patriotique, par l’entente entre M. Cavaignac et M. de Mun. »

Il termina par cette impérieuse flatterie, d’une belle sagacité :

Le général de Boisdeffre porte ombrage aux civils, et notamment au Président de la République. De là, la phrase