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LA DÉCLARATION DE BULOW


Lemercier-Picard obtint, sans doute, quelque satisfaction. Mais il avait pris conscience de sa force.

La veille du procès de Zola, Drumont et Guérin affichèrent un placard menaçant[1] : « La population honnête et patriote de Paris fera elle-même sa police : elle prendra elle-même sa défense », si les juifs s’obstinent dans leur « infâme entreprise contre la patrie ». Audiffred, député de la Loire, président de l’Association républicaine, avait écrit précédemment que « l’intérêt de la République et des israélites commandait aux instigateurs de l’affaire Dreyfus de s’arrêter là[2] ». Cassagnac, qui savait Dreyfus innocent, écrivait : « Entre les juifs et nous, il y a la Patrie[3]. »

Certains juifs se laissèrent intimider, se firent tout petits[4]. Ils n’étaient pas tous de la lignée de Judas Macchabée. Beaucoup se rappelaient ces mélancoliques, si cruellement douloureuses paroles de Moïse Cohen de Tordésillas : « Ne vous laissez jamais emporter par

    J. R. D’après le Figaro, la signature était illisible ; seule, la lettre initiale H avait pu être déchiffrée. Le Journal des Débats dit nettement que la lettre initiale H figurait seule au bas du document. (7 mars.) L’Intransigeant reproduisit cette version, mais n’y insista pas, et il n’en fut plus question dans aucun journal. L’idée, d’ailleurs, ne vint alors à personne que ce pût être le paraphe d’Henry, dont il avait été si souvent question au procès Zola. — La lettre, qui m’a été communiquée, est d’une écriture mince, ronde, assez grande et, visiblement, contrefaite. Le signe qui suit l’initiale H ressemble au sigma grec, avec une longue boucle.

  1. Libre Parole du 6 février 1898.
  2. Lettre au Temps, 3 février.
  3. Autorité du 4.
  4. Le Gaulois publia une lettre dont le signataire, Fernand Ratisbonne, « réprouvait énergiquement la stérile campagne qui tend à jeter le discrédit sur l’armée dans laquelle il avait eu l’honneur de servir en 1870. » (22 janvier.) La Libre Parole répondit que « ces subterfuges avaient fait leur temps », et qu’elle refusait de croire au patriotisme « des juifs qui ruinent et pourrissent le pays ». (27 janvier.)