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LA DÉCLARATION DE BULOW


mort… Soulagez-moi[1]… » Et encore : « Je ne tiens plus debout, je suis rendu[2]. »

Le docteur, en lui mettant un sinapisme au cœur, lui dit : « Ne vous laissez pas abattre, espérez. » Aussitôt, Deniel : « On ne s’occupe plus de votre affaire depuis trois ans ; vous êtes oublié. »

Et la brute entraîna le docteur, lui faisant des reproches.

Désespéré, Dreyfus adressa deux nouvelles suppliques au Président de la République, le 20 décembre et le 12 janvier, — le lendemain de l’acquittement d’Esterhazy[3].

Félix Faure les transmit à Billot, vers l’époque où Boisdeffre et Gonse corsaient le dossier des aveux, où Méline affirmait solennellement que Dreyfus avait avoué.

Dans l’intervalle, le 9 janvier, le prisonnier reçut les lettres que sa femme lui avait écrites en octobre et novembre : elle lui disait que « l’horizon s’éclaircissait », qu’elle « apercevait le terme de leurs souffrances ». « Si tu pouvais, comme moi, le rendre compte des progrès accomplis, du chemin que nous avons fait, comme tu te sentirais soulagé !… Cela me brise le cœur de ne pouvoir te raconter tout ce qui fait que j’ai tant d’espoir ! » Il la crut, bien que devenu sceptique aux douces paroles. Il sentait surtout, aux vexations plus fréquentes, à la surveillance plus rigoureuse, que quelque chose se passait. « Un souffle de terreur régnait autour de lui. » Il s’en rendait compte par l’attitude des gardiens[4].

  1. 11 décembre 1897. Rapport de Deniel : Rennes, I, 254.)
  2. 17 décembre.
  3. Cass., III, 327.
  4. Cinq Années de ma vie, 291.


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