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LE JURY


ceux de Pellieux et d’Henry (les fac-similés du bordereau ressemblent à des faux ; les journaux ont tronqué l’acte d’accusation[1] ; pas de trace de petit bleu dans le cornet). La déposition de Picquart, son interrogatoire plus probant encore, cinquante pages sont escamotés en quelques lignes, remplacés par des commentaires de ce genre : « Picquart est atterré[2]… Sa tenue est odieuse. Il accuse formellement ses chefs d’avoir voulu se débarrasser de lui[3]… Il ne perd pas une occasion de montrer qu’il est un des membres les plus actifs du Syndicat[4]… Il n’a jamais eu entre les mains le dossier complet de l’Affaire ; que valent ses impressions[5] ? » — On falsifie jusqu’aux dépositions favorables à Esterhazy pour les rendre plus favorables encore. Quand Pellieux dira : « Le conseil de guerre n’a pas voulu qu’on mît un innocent à la place de Dreyfus, coupable ou non[6] », Drumont lui fait dire : « À la place d’un traître, c’est-à-dire de l’ex-capitaine Dreyfus[7]. »

Les comptes rendus rapportent que Zola est acclamé par ses amis aux cris de : « À bas l’armée ! À bas la France ! »

  1. Procès Zola, II, 122, Pellieux. — Pellieux dit qu’il tenait le renseignement de d’Ormescheville. Je déclarai immédiatement dans le Siècle (19 février) qu’en publiant l’acte d’accusation, je n’y avais apporté d’autres modifications que de remplacer deux noms de femmes par des initiales, conformément aux règles de la vieille courtoisie française. Cela fut constaté officiellement par le conseiller Bard, rapporteur de la Cour de cassation, à l’audience du 27 octobre 1898. (Revision, 37.)
  2. Petit Journal du 12 février 1898.
  3. Écho de Paris du 12.
  4. Libre Parole du 12.
  5. Écho de Paris du 13.
  6. Procès Zola, II, 13, Pellieux.
  7. Libre Parole du 17 février.