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LE JURY
défendre un malheureux qu’aucun d’eux ne connaît. Cette lutte entreprise d’abord par deux ou trois hommes, absolument seuls contre tous, sans s’inquiéter des violences ni des injures ; ce dévouement de tous ceux qui, en trois mois, ont réussi à soulever le monde entier pour la cause de la justice et qui ont fini par réunir autour d’eux tout ce qu’il y a de plus honnête et de plus intelligent parmi leur peuple, comme c’est beau ! Je serais fier d’être Français[1] !

II

Avec Henry, la défense avait épuisé la liste des témoins militaires, Esterhazy excepté. Elle passa aux experts, aux savants et aux « témoins de bonne foi ». Ceux-ci, qui ne connaissaient aucun fait précis, rendirent hommage au courage de Zola.

Les uns (Duclaux, Ranc, Anatole France) le firent en peu de mots. D’autres, à cette occasion, essayèrent de parler au cœur du peuple. Jaurès, dans une harangue enflammée, fit le procès du procès de 1894, vicié par la communication des pièces secrètes, et le procès du procès de 1898, vicié par une enquête dérisoire et par le huis clos sur les expertises. Cependant il est impossible d’arracher soit au Gouvernement, soit à la justice l’aveu de la forfaiture de Mercier. À la Chambre, Méline répond : « On répondra ailleurs. » À la cour d’assises, défense de poser la question. De telle sorte « qu’un pays qui se croit libre ne peut savoir si la loi a été respectée, ni dans le palais où l’on fait la loi ni dans le

  1. Lettre de Monod, du 28 février 1898, à mon frère Salomon Reinach.