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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


palais où on l’applique « Il prophétisa la victoire du droit, mais, « si la vérité devait être vaincue, mieux valait être vaincu avec elle que de se faire le complice des équivoques et des abaissements[1] ».

Séailles, malade, envoya une noble déclaration :

Comment j’ai été amené à signer la protestation ? Le voici : Je venais de corriger une leçon de morale. J’avais dit à ces jeunes gens ce que tous, j’en suis assuré, vous voulez qu’on leur dise : que la personne humaine est sacrée ; que la justice n’est pas une servante qu’on sonne quand on a besoin de ses services… Je suis rentré dans mon cabinet. Un étudiant m’a apporté une pétition. J’ai signé. Notre enseignement serait sans autorité si nous n’étions pas prêts à le confirmer par nos actes[2].

Il compara l’acte de Zola « à celui d’un homme qui, enfermé dans une chambre où l’air devient étouffant, se précipite vers la fenêtre et, au risque de s’ensanglanter, enfonce la vitre pour appeler un peu d’air et de lumière ».

Lalance eût voulu dire en quelle estime il tenait les Dreyfus, ses compatriotes de Mulhouse ; Delegorgue l’en empêcha.

Mais nul, ni Séailles, ni Jaurès, ni aucun autre, n’émut autant que le vieux Grimaux quand il raconta

  1. Procès Zola, I. 395, 396. Jaurès. — Il raconta incidemment qu’Esterhazy avait dit à Papillaud, dans les bureaux de la Libre Parole : « Lorsque le Matin a publié le fac-similé du bordereau, je me suis senti perdu. » (I, 391.) Papillaud, avisé par Drumont, démentit le récit (415) que Jaurès maintint énergiquement. Il ajouta que Papillaud, d’ailleurs convaincu de la culpabilité de Dreyfus, avait dit à ses camarades de la Libre Parole : « En tous cas, nous ne marchons pas derrière Esterhazy. » (418.)
  2. Procès Zola, I, 181. Séailles.