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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il avait été absolument opposé au huis clos, que la sécurité du pays ne dépendait pas de ce mystère. Il savait, d’autre part, que L’État-Major avait interdit aux trois experts de rien révéler de leurs conclusions. Évidemment, il s’inclina devant la raison très politique de cette défense : à savoir que la contradiction entre l’expertise de 1894 (le bordereau est de l’écriture de Dreyfus) et l’expertise de 1897 (le bordereau est de l’écriture d’Esterhazy, mais décalquée par Dreyfus), c’était un fait nouveau, suffisant, à lui seul, pour faire ordonner la revision.

Il se borna donc à décocher quelques épigrammes aux « experts amateurs » qui n’avaient travaillé, au contraire des « experts jurés » que sur des fac-similés[1]. Mais cette question d’écriture, sujette à controverse, est « secondaire ». Éternellement, les uns et les autres récuseront les expertises défavorables à leur thèse, vanteront les autres. Il va prouver, « pièces en mains », que l’auteur du bordereau est un artilleur, attaché au ministère de la Guerre, et qu’en tout cas ce ne peut être Esterhazy.

On avait le bordereau, l’écriture d’Esterhazy, celle de Dreyfus : c’était tout le procès. On n’avait pas les notes du bordereau, on n’en savait que les titres : c’était l’inconnu. La stratégie de Pellieux consista à transporter dans les airs, où l’on se bat à coups d’hypothèses, le combat trop dangereux en terre ferme.

Il reprit d’ailleurs, tout simplement, le vieux système d’Esterhazy et d’Henry. Fantassin et dans la troupe, Esterhazy eût été incapable d’écrire une seule des

  1. Procès Zola, II, 46, Pellieux : « Je vous déclare que je regrette plus que personne qu’on ne puisse pas entendre ici les dépositions des experts du procès Esterhazy ».