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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de l’impétueux, le retenant, le conjurant de ne pas ajouter au trouble et à la colère des esprits par un débat parlementaire, de laisser à la justice toute sa liberté, alors qu’il s’agissait précisément de la libérer. Sur quoi, Boisdeffre, le lendemain, avait jeté dans la balance son épée, l’extraordinaire menace de la grève des généraux.

L’interpellation qui, le 17 ou le 18, eût pu être décisive, c’était, le 24, le coup de canon après la bataille. D’autre part, la presse républicaine s’étonnait que de tels défis, de tels actes de pression et d’indiscipline, eussent été commis dans le silence humilié de la tribune[1]. La politique commanda d’avoir l’air de faire quelque chose.

Hubbard, franc-maçon actif, écouté dans les loges, mais sans crédit à la Chambre[2], et Viviani, désigné par les socialistes pour parler en leur nom, s’efforcèrent de contenir le débat dans les limites de la question de principe : la suprématie du pouvoir civil, « quelles que soient ses erreurs et ses fautes », sur le pouvoir militaire[3]. — C’est la doctrine de la Révolution que nul, même à l’extrême-droite, ne se serait risqué à contester, en théorie[4]. — Quelques jours auparavant, dans une discussion sur les troubles d’Alger, le ministre de l’Intérieur s’était joint à Jaurès pour répudier l’antisémitisme[5]. Hubbard rappela ces paroles de Barthou. Sera-t-il permis plus longtemps à des officiers de pous-

  1. V. p. 466.
  2. La demande d’interpellation fut signée seulement par Hubbard ; elle était ainsi conçue : « Je demande à interpeller le ministre de la Guerre sur l’attitude qu’il a laissé prendre à deux officiers généraux devant la justice civile. »
  3. Discours de Viviani.
  4. Cunéo d’Ornano : « Napoléon Ier l’a dit avant vous ! »
  5. Séance du 19 février 1898.