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MORT DE LEMERCIER-PICARD

On croira difficilement que Billot, qui avait ajourné de statuer sur le cas de Picquart jusqu’après le procès de Zola, ait ignoré les propos de Gonse à Bertulus à son sujet[1]. Et il savait aussi que Picquart, à la barre, était resté soldat, — au vieux sens du mot, celui que Gonse et Billot n’entendaient plus, également respectueux de la discipline et de son serment.

Au dire du juge, il aurait pu, plus d’une fois. « soulever un vrai scandale[2] », faire apparaître tout le crime ; mais il avait su imposer silence à ses colères, même à son amour de la justice ; il n’avait pas commis, dans cette rude épreuve, le moindre manquement à la règle militaire la plus étroite.

Gonse, le 26 février, rendit visite à Bertulus qui lui rappela « sa promesse en faveur de Picquart » et insista vivement, sachant que la décision de Billot était imminente. Le Tartufe galonné l’assura que, « sans perdre une heure, il allait faire tout ce qu’il pourrait[3] ». Or, le matin même. Billot avait fait signer à Félix Faure le décret qui mettait Picquart en réforme « pour fautes graves dans le service »[4].

Le vieux Grimaux, pour le même refus de se laisser

  1. Cass. I, 221, Bertulus. — Voir p. 374.
  2. « J’avoue que mon effort n’a jamais été très pénible, car, chaque fois, j’ai trouvé le colonel Picquart aussi froid, aussi déterminé à demeurer militaire qu’il était possible de le désirer. Il aurait pu, lors de certains incidents du procès Zola, soulever un vrai scandale, il ne l’a jamais fait ; et, quand je l’en félicitai ensuite, il me répondit que, tant qu’il aurait l’honneur de porter l’épaulette, il sacrifierait tout. » (Cass., I, 222, Bertulus.)
  3. Cass., I, 222, Bertulus : « Il était 2 ou 3 heures de l’après midi. Or, le matin, au conseil des ministres, etc. « Gonse convient qu’il vit Bertulus ce jour-là, mais affirme que le juge s’est mépris sur le sens de ses paroles. Cass., I, 571.)
  4. Décret du 26 février 1898. — La pension de réforme de Picquart fut liquidée à 2.175 francs.