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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« enrégimenter contre la vérité[1] », fut déclaré indigne d’enseigner la chimie, même à des agriculteurs. Il dut descendre de ses deux chaires[2], frappé à la fois par Billot et par Méline.

Billot frappa encore un officier d’artillerie, Chaplin, le fils du peintre, pour avoir adressé une lettre de félicitations à Zola. Des camarades, devant qui il en avait parlé, l’avaient dénoncé[3].

Enfin Barthou releva Leblois de ses fonctions d’adjoint, parce que Drumont avait exigé cette révocation et pour qu’il fût bien entendu que l’hérésie dreyfusienne constituait une cause d’indignité[4]. Le peuple des fonctionnaires, celui, plus nombreux encore, des candidats aux emplois rétribués sur le budget, ne s’y trompèrent pas.

Le conseil de l’Ordre des avocats n’eut garde, quand tout le monde s’aplatissait, de rester debout ; il cita Demange à sa barre pour avoir révélé l’existence de la pièce secrète, et suspendit Leblois pendant six mois pour avoir consulté hors de son cabinet, et « livré à Scheurer les confidences de son client[5] ».

  1. Clemenceau, dans l’Aurore du 27 février. — « Pour avoir déposé en faveur des accusés dans un procès en diffamation contre l’armée. » (Éclair du 28).
  2. École polytechnique et Institut agronomique. — Poirrier, sénateur de la Seine, fit en vain une démarche en sa faveur auprès de Félix Faure.
  3. Le lieutenant Piolenc et le lieutenant de Bary.
  4. Risler, maire du VIIe arrondissement, donna sa démission ; il ne la retira qu’à l’instante demande de Barthou.
  5. Délibération du 22 mars, signée : Edmond Ployer, bâtonnier ; Reboul, secrétaire. — L’avocat Courot fut également suspendu pour avoir crié, au procès Zola : « Vive l’armée, oui ! mais enlevez certains chefs ! » — « L’un des plus solides lieutenants de M. Bourgeois (Berteaux, député de Seine-et-Oise) s’est éloquemment plaint que « le conseil de l’Ordre ait eu assez peu de patriotisme pour acquitter Me Demange, le défenseur du traître. » (Clemenceau, Aurore du 14 mai 1898.)