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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


voulut parler avec des journalistes, elle lui imposa silence[1].

L’hôtel, dans cette saison, était assez fréquenté, et mal, des ouvriers sans travail, des rôdeurs, d’équivoques couples de passage. L’étroit couloir, très sombre, qui va de la rue à la petite cour, cette cour boueuse sur laquelle donnent les chambres, ces murs humides comme les parois d’un puits, le décor n’était que banal et triste : ce n’était pas celui des coupe-gorge de mélodrame, l’auberge des Adrets ou la maison Bancal.

Le médecin du quartier ne vit le mort que le lendemain[2], « décroché », et, dès lors, trop tard pour rechercher le siège exact de ces lividités cadavériques qui n’apparaissent, chez les pendus, que sur les membres inférieurs et qui sont un signe certain du genre d’asphyxie auquel ils ont succombé[3]. Il était trop tard aussi pour rechercher si la couleur de la face correspondait ou non à la position du lien[4]. Le médecin ne découvrit aucune trace de blessure ou de coup. « En examinant attentivement, il aperçut sur le cou la trace d’un sillon bleuâ-

  1. Écho de Paris du 6 mars 1898 : « Une voix s’élève, courroucée, hargneuse : « Ce n’est pas la peine d’en dire plus ; nous en sommes débarrassés. »
  2. 4 mars.
  3. Brouardel, La Pendaison, 9 : « Bonnat a peint son Christ sur un cadavre crucifié ; aussi les lividités cadavériques existent-elles sur les membres inférieurs, comme chez les pendus. »
  4. La mort, en cas de pendaison, provient soit d’anémie, dans le cas où le plein de l’anse de la corde est placé en avant du cou et le nœud, en arrière, dans le milieu de la nuque ; soit de congestion cérébrale, dans le cas où le plein de l’anse se trouve placé latéralement au cou. Le pendu est pâle, blanc, dans le premier cas : dans le second, il est congestionné, bleu. Si l’on a constaté chez un pendu blanc l’existence d’un nœud latéral, on aura des doutes sur le suicide et l’on poursuivra l’hypothèse d’un crime. (Brouardel, 41, 42, 86.)