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MORT DE LEMERCIER-PICARD


tre de trois millimètres de diamètre, passant en avant et au-dessus des cartilages du larynx, se dirigeant un peu obliquement en arrière vers la nuque ; ce sillon, qui semblait incrusté dans la peau, répondait exactement à l’imposition d’une corde et en présentait tous les caractères[1] ».

Le corps fut transporté à la Morgue.

Le bruit courut bientôt que le pendu de la rue de Sèvres n’était autre que Lemercier-Picard et, tout de suite, une clameur s’éleva, dans ce fiévreux Paris qui, depuis six mois, vivait en plein mélodrame, qu’il avait été assassiné, — étranglé.

Séverine, la première, porta la terrible accusation[2], dès que le cadavre eût été identifié avec Lemercier-Picard[3] et qu’elle eût reconnu, sur un spécimen d’écriture, que c’était Durandin.

Les journaux de l’État-major contestèrent tant qu’ils purent, avec une singulière violence, que ce fût le fameux faussaire. C’était, selon eux, un ancien officier mis en réforme ; pour le vrai Lemercier, il se promenait

  1. « Le sieur Roberty s’est donc volontairement donné la mort et il s’est servi pour cela d’une corde qu’il avait fixée à l’espagnolette de la fenêtre de sa chambre. La mort remonte à environ quinze à dix-huit heures et est le résultat d’un suicide par pendaison. » (Rapport du docteur Lelarge, du 4 mars 1898.)
  2. « L’homme de la rue de Sèvres ne s’est pas pendu ; il a été assassiné… Un homme est menacé, il meurt subitement, tragiquement, mystérieusement : qu’en concluez-vous ? » Fronde du 7 mars.)
  3. Par Émile Berr, le 6 mars : par le colonel Sever et Daniel Cloutier, le 9. — Voir p. 506, note 1. — C’était Cloutier (Charles Roger), rédacteur à l’Intransigeant, qui l’avait mené chez Rochefort, à la villa Saïd, le 20 ou le 21 décembre 1897. (Instr. Bertulus, 29 janvier 1898, Rochefort ; 1er février, Cloutier). — Le cadavre fut également reconnu par Valliez, garçon à l’hôtel de Bruxelles où Lemercier, sous le nom de Vergnes, avait habité en novembre.