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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Sachant ce qu’il sait, il affecte encore de trouver cette affaire « ténébreuse[1] », indéchiffrable. Et, surtout, elle ne le concerne pas. Le « nihil humani », en devenant ministre, il l’a oublié.

X

Paléologue alla, de sa part, porter à Henry la déclaration de Munster, ainsi qu’une dépêche, un peu antérieure, du chargé d’affaires de France à Vienne : « Schwarzkoppen n’a pas eu de relations avec Dreyfus ; il en donnera, avant de partir, sa parole d’honneur au ministre de la guerre ; le gouvernement allemand ignore nécessairement si Dreyfus a eu quelques relations suspectes avec un agent d’une autre puissance[2]. »

Henry écouta le jeune diplomate, puis objecta : « Nous n’avons jamais dit que Dreyfus eût des rapports directs avec l’Allemagne ; vous savez bien que Panizzardi était l’intermédiaire[3]. » — Il avait répandu les deux versions qui eussent dû s’infirmer, mais qui se fortifiaient l’une l’autre. — « Que faites-vous, reprit Paléologue, de la dépêche du 2 novembre ? » (la dépêche chiffrée, d’une

  1. Cass., I, 459, lettre, du 26 novembre 1897, à Monod : « Je m’efforce de voir, de savoir et de prévoir. Mais, vraiment, il faut plus qu’une conscience ferme, il faut une lumière supérieure pour vous guider dans toutes ces ténèbres. »
  2. Dépêche du 5 novembre 1897 (Cass., I, 390.) — Le prince Lichnowski, secrétaire de l’ambassade d’Allemagne à Vienne, racontait que Schwarzkoppen, son ami personnel, lui avait affirmé n’avoir jamais eu aucune relation avec Dreyfus. (Cass., I, 460, Monod.)
  3. Cass., I, 390, Paléologue.