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LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


resté fidèle à la mémoire de Napoléon III[1], qu’il avait aimé, et à l’impératrice Eugénie. La vieille souveraine déchue, qui avait épuisé la coupe des malheurs, retrouva des larmes pour le prisonnier de l’île du Diable. Elle ne fut nullement étrangère à l’attitude de son neveu, le prince Victor, qui laissa au duc d’Orléans l’exploitation des basses et des furieuses passions.

Giraudeau dédia sa brochure[2] aux lecteurs des journaux de l’État-Major. Alors que les chefs du parti républicain, Brisson comme Méline, avaient parcouru d’un œil distrait ou prévenu les comptes rendus du procès de Zola, il les avait lus avec une extrême attention, et il en était résulté pour cet honnête homme, sans parti pris, une lumineuse certitude. Ayant constaté « avec stupeur » à quel point ses amis, conservateurs et catholiques, connaissaient peu l’affaire, il écrivit pour eux, non point avec des légendes émanant « des sources les plus sûres », mais à l’aide des seuls documents produits aux divers procès et des témoignages.

Quiconque eût voulu refaire lui-même le travail de Giraudeau, l’eût pu faire en deux jours.

La plupart des catholiques n’osèrent même pas lire la brochure. Leur conscience, peut-être, leur aurait ordonné de parler. Or, les Croix ne se lassaient pas de répéter que la lutte était « entre la France catholique, d’une part, et, de l’autre, la France juive, protestante et libre-penseuse[3] ».

Dans un passage décisif de sa conclusion, Giraudeau avertit ses amis : « L’affaire n’est pas enterrée. » Du moindre incident, elle peut renaître. Même, si l’éclair-

  1. Auteur de La Vérité sur la Campagne de 1870.
  2. Innocent ou Coupable, par Justin Vanex.
  3. Croix du 23 février 1898.