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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cissement définitif en est légué au siècle prochain, les défenseurs de l’iniquité n’auront rien à y gagner. « Après avoir eu une bonne presse, ils auront une mauvaise histoire. Dreyfus mort sera réhabilité avec bien plus d’éclat que Dreyfus vivant. » Il existe, dans les choses elles-mêmes, une terrible force de représailles.

L’auteur de ces pages les signa seulement d’un pseudonyme. Il n’avait nulle crainte pour lui-même, mais pour les œuvres d’assistance et de charité auxquelles il s’était voué depuis la chute de l’Empire et qui étaient devenues toute sa vie. Son nom, au bas d’un livre de vérité, les eût compromises.

Mollet put donner le sien : il n’engageait que lui-même et son fils qui était prêtre et qui partageait ses convictions.

III

Le Gouvernement, quand il s’agissait de Dreyfus, continuait à méconnaître les principes les plus certains du Droit, comme s’ils n’existaient pas.

L’Assemblée Constituante a proclamé que le droit de pétition est un droit « naturel[1] » ; il appartient à tout le monde, aux femmes, aux condamnés, à quiconque est victime d’une injustice ou s’en plaint[2].

Dreyfus, se désespérant du silence de Félix Faure et

  1. Art. 1er de la loi du 22 mai 1791 : rapport de Le Chapelier.
  2. Pierre, Traité de Droit politique, 181. — Le droit général de pétition est inscrit dans le bill anglais de 1669 qui le place au premier rang des privilèges de la nation, dans les lois constitutionnelles de la Belgique, de la Prusse, de l’Autriche, de l’Espagne, etc.