Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/571

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
565
LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


Drey- il n’avait pas eu directement affaire à Schwarzkoppen, mais à Panizzardi[1].

Déroulède et Rochefort ajoutèrent foi à cette imposture, qui s’arrangeait assez bien avec celle du bordereau annoté, ou firent semblant ; Drumont savait à quoi s’en tenir. Pour les juges d’Esterhazy, ils ne s’étonnèrent pas qu’on les eût laissés dans l’ignorance d’un secret par quoi tout devenait clair et limpide.

Cette version inattendue, qui enchantait les patriotes, offrait pourtant un très gros risque : c’est que l’État-Major allemand et, surtout, Schwarzkoppen se fâchassent d’être bafoués, et qu’en conséquence ils fissent paraître dans leurs journaux les documents qu’ils avaient reçus d’Esterhazy ou, tout au moins, ceux qui étaient mentionnés au bordereau. Ils eurent, en effet, la velléité de répondre par ces représailles ; puis des considérations, à la fois politiques et militaires, les arrêtèrent. Schlieffen observa que livrer à la publicité des rapports d’espion, ce serait tarir à l’avenir les sources de l’espionnage ; le chancelier et Bulow, que les relations diplomatiques étaient déjà fort tendues. Si le peuple français veut, à tout prix, que l’innocent soit coupable, c’est affaire à lui. Aussi bien, les folies françaises, surtout les plus furieuses, sont les plus courtes ; celle-ci s’usera d’elle-même[2].

Le vieux Bismarck, à Friedrichsruche, grogna, une fois de plus, qu’il fallait laisser les Welches cuire dans leur jus. Depuis le début de la crise, le journaliste qui

  1. Écho du 25 avril 1898 : « Le colonel de Schwarzkoppen est très à son aise pour donner sa parole de gentilhomme et d’officier qu’il ne connut jamais le traître Dreyfus. En effet, l’intermédiaire était un autre attaché qui signait de noms d’emprunt… etc. »
  2. Renseignements inédits. — Depuis la condamnation de Zola, les journaux étrangers avaient encore haussé leur ton. Il fut