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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


recevait sa confidences s’employait de son mieux à railler les Allemands de s’être émus, comme des femmes, à la pensée d’un officier français au bagne[1]. Le grand barbare, que la mort touchait déjà, se roidissait jusqu’à la fin contre toute pensée d’humanité. Il avait souvent traité les Français de « peuple de singes » : ce suprême accès de démence le réjouissait. Il opinait que l’intérêt manifeste de l’Allemagne était de prolonger cette honte, et, pour y aider, il affectait de mettre en doute l’innocence de Dreyfus.

Drumont, Rochefort, Arthur Meyer, reproduisirent, à l’envi, ces derniers hoquets du vieux Vandale.

Billot et Boisdeffre laissèrent dire, parce qu’ils avaient fait du silence leur tactique, dédaigneux, en apparence, des vains racontars de la presse, amie ou hostile ; et, aussi, parce que ce nouveau mensonge consolidait, pour un jour de plus, l’œuvre d’iniquité et leur règne. Pourtant, quand ils furent interrogés par la suite sur l’imbécile roman, ils le démentirent[2] ; on leur eût de-

    question d’interdire l’entrée en France de l’Indépendance belge, du Journal de Genève. L’Écho de Paris somma Barthou de le faire (27 janvier 1898). Il s’y refusa.

  1. Hamburger Nachrichten, du 25 février 1898 : « Les félicitations que les Allemands envoient à Zola dénotent un manque de tact, de jugement et de patriotisme. Nous nous rendons ridicules aux yeux des Français. Nous ne savons pas d’ailleurs à quels mobiles Zola a obéi. De plus, dans les cercles qui, sans aucun doute, comptent parmi les mieux informés de l’Europe, nous avons entendu exprimer des opinions d’où il résulte qu’on y croit bien plutôt à la culpabilité de Dreyfus qu’à son innocence. Laissons donc les Français mijoter dans leur propre jus, en traitant Émile Zola et Dreyfus comme des héros nationaux ou comme les représentants de l’idéalisme. » — « Un diplomate » s’appuyait encore, cinq ans plus tard, sur l’opinion de Bismarck. (Gaulois du 8 février 1903.)
  2. Cass., I, 558, Boisdeffre : 569, Gonse ; Rennes, I, 528, 530 ; II, 173, Boisdeffre ; I, 536 ; II, 157, Gonse. — De même Roget (Cass., I, 628) et Gendron (Rennes. II. 172).