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LE SYNDICAT

Dès lors, ou bien Félix Faure, Méline, Hanotaux et Billot ont cru à la sincérité de ces déclarations, — et, de ce jour, ils vont sciemment mentir en proclamant que Dreyfus est coupable ; — ou ils ont cru que l’Empereur allemand, le Roi d’Italie, leurs ambassadeurs et leurs officiers étaient des menteurs, et intéressés à mentir.

Ils firent le silence sur les démarches des ambassadeurs allemand et italien. Bien plus, entre tant de démentis qui remplissaient la presse d’Outre-Rhin, ils n’en communiquèrent qu’un seul par une note officieuse[1] : « Il n’était pas vrai que l’Empereur Guillaume eût intercédé, naguère, par une lettre autographe, en faveur de Dreyfus, auprès de Casimir-Perier. » On insinuait ainsi (sans mensonge positif, puisqu’on se taisait de l’exact incident), que l’Allemagne, pour cause, s’était désintéressée de la condamnation du traître.

Jamais pays ne fut plus systématiquement trompé.

Les ambassadeurs de la République confirmèrent, dans leurs dépêches, les déclarations de Tornielli et de Munster.

L’étrange et horrible beauté du drame n’avait pas seulement ému les peuples, mais les souverains. La vieille Reine d’Angleterre écrivit à son petit-fils, l’Empereur allemand, pour savoir la vérité. Il répondit à « sa chère grand’mère » que Dreyfus était innocent, et la reine Victoria montra cette lettre à son amie, l’impératrice Eugénie, qui se passionna pour l’affaire. L’Empereur d’Autriche, celui de toutes les Russies[2],

  1. Note de l’Agence Havas du 29 novembre 1897. Le démenti de la Gazette de l’Allemagne du Nord répondait à un article du Rappel.
  2. On a déjà vu (t. II, 542) que le ministre Witte doutait que Dreyfus fût coupable. L’Empereur de Russie aurait également exprimé un doute pendant l’un de ses séjours à la Cour de Copenhague. (Svenska Dagbladet du 21 novembre 1897.)