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LA CHUTE DE MÉLINE


comme on sait, à la constitution du dossier secret de 1894, y inséra une fausse version de la dépêche.

Il n’est pas impossible que cette fausse version ait été, à cette époque, montrée à Du Paty comme étant la copie de la première traduction conjecturale des cryptographes. Ils avaient lu : « Dreyfus n’a pas eu de relations avec l’Allemagne[1]. » Le copiste avait transcrit : « Le ministère de la Guerre a un rapport secret offert à l’Allemagne[2]. »

Du Paty avait rédigé à ce sujet une note qui fut jointe au dossier des télégrammes[3]. Henry l’y put lire avant de détruire tout le paquet.

Ainsi Henry put, en toute sûreté, suggérer à Gonse d’avoir recours aux lumières de Du Paty ; en tout cas, quand Gonse lui demanda de « recueillir ses souvenirs », Henry était là[4]. Gonse raconte qu’il se borna à écrire, sous la dictée de Du Paty, un texte qui n’aurait eu à ses yeux qu’une « valeur indicative[5] ». En fait, la cuisine du faux fut moins sommaire ; elle occupa plus d’une séance. La traduction de Du Paty, celle qu’il avait reproduite dans sa note de 1894, donnait pleine satisfaction. Faux éhonté, puisque les déchiffreurs, à aucun moment, « n’avaient écrit, ni suggéré, ni même imaginé rien de tel »[6]. Toutefois, par un bizarre scrupule. Du Paty refusait d’y ajouter la phase : Rimane prevenuto emissario, qui avait figuré sur la deuxième version, mais à titre conjectural[7], et qui, d’ailleurs, n’incriminait pas Dreyfus (en prison, depuis quinze

  1. Rennes, I, 52, 56, Delaroche Vernet ; 59, 60, Paléologue.
  2. Ibid, II, 227, Du Paty. (Voir Appendice II.)
  3. Ibid, II, 228, Du Paty.
  4. Cass., I, 557, Boisdeffre : 561, Gonse : III. 512, Paléologue.
  5. Ibid., I. 557, Boisdeffre ; 561, Gonse.
  6. Ibid., II, 17 : Rennes, I, 59, Paléologue.
  7. Voir t. Ier, 246.