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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


annexerait à une circulaire diplomatique les papiers d’Esterhazy. « Et voilà, devant le monde entier, accusés d’imposture et de félonie, convaincus en tout cas de la plus injustifiable des erreurs, les chefs même de cette armée qui va se battre[1] ! » Aussi bien n’étais-je pas seul à éprouver cette crainte ; elle avait été également formulée, comme un avertissement, dans une revue anglaise, par Conybeare, le savant orientaliste d’Oxford, très ami de la France, et très informé de l’affaire Dreyfus : « L’empereur Guillaume tient entre ses mains une arme avec laquelle, quand il trouvera une occasion favorable, il pourra briser l’État-Major et détruire, pour une génération, la foi du peuple français dans les chefs de son armée[2]. »

Conybeare précisait que la série de documents vendus à l’Allemagne par Esterhazy, tous de la même écriture que le bordereau, s’étendait jusqu’à 1896 ; Dreyfus, à l’île du Diable, n’a pu les écrire. « Heureux les Français s’ils peuvent faire justice sans une pareille intervention ! »

Billot releva ces citations et le passage suivant de mon article : « Ainsi, l’homme dont le colonel de Schwarzkoppen disait au colonel Panizzardi : « C’est mon homme ! » c’est le même dont le général de Pellieux se félicitait d’avoir provoqué l’acquittement, contre lequel le général Billot, ministre de la Guerre, n’a pas osé sévir, même après l’aveu des lettres à Mme de Boulancy, et à qui les officiers de l’État-Major, témoins à la cour d’assises, ont été condamnés, par ordre, à donner la main. »

Qui, dans cette phrase, avais-je injurié ? Billot, en

  1. Siècle du 4 juin 1898. — Vers la Justice par la Vérité, 131.
  2. National Review du 1er juin.