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CHAMBRES RÉUNIES


sottise dite, il la rétracta, au premier avis qu’il reçut, afin de ne pas être privé de son triomphe parisien, mais sa vraie pensée n’en était pas moins dans la première version de son discours[1], personne n’en douta, et sa popularité s’en accrut. Ce n’était donc pas encore l’heure pour les jurés de Paris de se brouiller avec les « patriotes », surtout au profit d’un gouvernement qui basculait entre les partis, ne se reprenait que par à-coups, sous la menace et pour une minute, et ne donnait plus ni l’impression de la sincérité ni celle de la durée. Ils avaient acquitté Gohier pour ne pas fâcher les socialistes, Max Régis pour ménager les antisémites. Pour les mêmes motifs : la peur, l’esprit de fronde qui entre dans toutes les opinions de Paris, la méconnaissance, plus inquiétante encore, de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas, ils acquittèrent Déroulède et Habert, à la majorité, après quelques minutes de délibération. Déroulède, aussitôt relâché et fort acclamé, courut à une réunion publique, où Guérin l’embrassa pendant que les ligueurs battaient sur une grosse caisse[2].

XII

Repassons la galerie du Harlay et rentrons à la Cour de cassation, où 46 magistrats[3], enveloppés de leurs

  1. l’Agence Havas donna, à trois heures d’intervalle, deux textes de ce discours, le premier exact, le second correct. (1er juin 1899.)
  2. À la salle Saint-Paul (Figaro et Libre Parole du 1er juin) Selon Gaston Méry (Libre Parole du 31 mai 1902), Déroulède, aurait montré « de la répugnance » à recevoir l’accolade de Guérin.
  3. Un seul conseiller, Vételay, était absent, (Voir t. IV, 324.)