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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


robes rouges bordées d’hermine, écoutent, dans un recueillement grave, la lecture du rapport de Ballot-Beaupré[1].

Il s’était appliqué à faire une œuvre non seulement impartiale, mais qui en eût l’apparence, c’est-à-dire la sécheresse et la froideur. L’homme, le juge même disparut d’abord derrière les documents. Sa conviction, qu’il voulait garder pour lui seul jusqu’à la dernière heure, aurait percé dans le récit qu’il eût fait lui-même de l’Affaire. Il avait imaginé, en conséquence, d’en présenter les deux versions, celle des partisans et celle des adversaires de Dreyfus, et, pour commencer, le Mémoire de Mornard qu’il résuma tant qu’il put, mais de façon magistrale. On vit ainsi défiler tous les événements de ce drame de quatre années, l’arrestation de Dreyfus et son procès, la production clandestine d’une pièce « reconnue fausse », en ce qu’elle ne s’appliquait pas à lui, ce qui viciait le jugement dans la forme et au fond ; les faux d’Henry, ses faux témoignages, les extravagances de Du Paty de Clam, la collusion, le fait, « malheureusement hors de doute, que des officiers de l’État-Major, par une aberration d’esprit inexplicable, s’étaient commis en de pareilles équipées », les lettres d’Esterhazy à Félix Faure, son intervention à l’expertise du bordereau en 1898, les aveux d’Henry, la découverte des lettres d’Esterhazy sur papier pelure, ce papier que Dreyfus n’avait jamais employé et dont Esterhazy faisait un constant usage ; la « fabrication » des aveux à Lebrun-Renaud ; ce principe de droit qu’« en matière criminelle comme au civil, l’aveu, indivisible de sa nature, n’est opposable que s’il est signé ou s’il n’est pas contesté » ; enfin, le dossier secret : « Une

  1. Cass., III, 1 à 198.