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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de Roget qui passait à Orléans[1]. Annoncer gravement une enquête contre Pellieux qui, depuis deux mois[2], la réclamait lui-même (sur ses actes comme officier de police judiciaire), et une instruction contre Esterhazy pour le document libérateur, c’était se moquer. Enfin Mercier n’aurait pas rédigé autrement que Lebret la lettre qui saisissait la Chambre, non pas d’une demande de mise en accusation, mais du dispositif de la Cour de cassation sur la communication clandestine du dossier secret aux juges de Dreyfus[3] : « Le fait paraît tomber sous le coup des articles 114 et suivants du Code pénal[4] ; il appartient à la Chambre de décider s’il y a lieu à renvoi devant le Sénat. » D’ailleurs, Dupuy avait fait prévenir Mercier de son intention[5].

Comme la loi constitutionnelle dispose seulement que « les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre pour crimes commis dans l’exercice de leurs fonctions[6] », il n’en résulte pas, en droit, que le Garde des Sceaux ou son procureur général ne soit pas qualifié pour réclamer des poursuites[7]. En fait, sauf pour des cas de prévarication, l’initiative est venue toujours des députés[8]. On eût compris également, dans le silence du texte, ou que Dupuy s’abstînt de demander lui-même la mise en accusation, ou qu’il

  1. Par permutation avec le général André.
  2. Lettre du 8 mars 1899 au général Zurlinden.
  3. Voir Appendice II.
  4. Sur les actes arbitraires ou attentatoires à la liberté des citoyens.
  5. Récit de Mercier dans la Libre Parole du lendemain.
  6. Article 12 de la loi du 16 juillet 1875.
  7. « L’initiative de ces poursuites (contre les ministres de Charles X) n’était pas venue du gouvernement. » (Thureau-Dangin, Histoire de la Monarchie de Juillet, I, iii.) L’écrivain orléaniste ne dit nullement que le gouvernement n’aurait pas pu prendre cette initiative. — Voir p. 131.
  8. La mise en accusation des ministres de Charles X fut pro-