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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et qui ne comprenait pas tout ce qu’on lui faisait dire, mais le croyait.

Pourtant, il se garda d’informer Galliffet qu’il travaillait avec Auffray[1].

C’était une question de savoir si, dans le silence de la loi[2], le conseil de guerre devait être assimilé au jury où le ministère public, en cas de renvoi, dresse un nouvel acte d’accusation, ou aux tribunaux correctionnels[3]. Carrière adopta la seconde opinion qui le dispensait de formuler l’accusation et la laissait dans le vague.

VII

De nouveau, le monde entier se préparait à l’une de ces extraordinaires représentations que la France seule sait donner, où la mise en scène égale le drame et qui remue l’âme aux profondeurs. Cependant Dreyfus excitait déjà moins d’émotion que de curiosité, puisque la mort n’était plus sur lui, et, surtout, la qualité des passions n’était plus la même, chez tous, qu’aux premiers jours. Depuis deux ans que, dans cette magnifique tragédie, tout se passait comme au théâtre, les mots commençaient à s’user, à se vider de l’idée qui

  1. Les journaux ayant raconté que Carrière s’était adjoint un avocat de Rennes, la Sûreté demanda des renseignements au préfet qui démentit la nouvelle.
  2. Article 445 du Code d’instruction criminelle.
  3. Au jury, selon Mornard, parce que le conseil de guerre, comme le jury, n’est pas tenu de motiver ses arrêts. (Cass., IV, 235.) Au tribunal correctionnel, selon Boyer (20), « parce qu’il est uniquement question, au dernier paragraphe de L’article 445, des affaires soumises au jury ». De même Baudouin (127).