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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


Decrion, l’un des anciens hommes à tout faire d’Henry, fut condamné, peu auparavant, pour espionnage. Il prétendait qu’en offrant aux Allemands des documents sur le canon de 75, il n’avait fait que continuer son ancien métier de contre-espion, quand il était attaché au service des renseignements[1].

Une fatalité semblait attachée à tous les anciens agents d’Henry. Vers le printemps, son ordonnance, Lorimier, avait été trouvé pendu, comme Lemercier-Picard, dans une grange. Guénée, qui ne savait pas moins de choses, mourut assez subitement, dans la première semaine de juillet. Une dizaine de jours avant le procès de Rennes, la Bastian disparut de l’ambassade d’Allemagne.

Elle avait été fort liée avec cette femme Forêt, dite Millescamps[2], que Brücker avait fait condamner comme espionne, en 1894, qui n’était sortie de prison[3] que pour être frappée d’un arrêté d’expulsion et s’était retirée aux environs de Metz. Le commandant Rollin, qui avait remplacé Henry, comme on l’a vu, au bureau des renseignements et qui avait été mêlé à l’affaire de la Millescamps, s’était souvenu qu’elle était d’origine belge et l’avait signalée à la Sûreté comme suspecte de recommencer ses anciens trafics. L’idée m’étant venue de la faire questionner sur son aventure, restée assez obscure et qui paraissait se rattacher par quelque lien aux opérations mystérieuses d’Henry, elle ne se fit pas prier, accusa Brücker de l’avoir dénoncée par ven-

    une craque dont on n’a jamais osé me parler, si tant est qu’elle ait jamais été réellement commise. »

  1. 8 juillet 1899. — Decrion fut condamné à trois ans de prison, ses complices Le Rendu et Groult à deux ans et à dix-huit mois. — Voir t. IV, 169 et 517.
  2. Voir t. Ier, 25.
  3. Novembre 1898.
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