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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


faux Weyler ne pouvaient lui être attribués[1]. Christian parlait d’après Esterhazy, qui avait refusé de venir déposer, Roget et Cuignet d’après Henry, qui était mort ; pour Cavaignac, il chercha surtout, à l’exemple de Boisdeffre et de Gonse, à se dégager du compromettant personnage.

Du Paty, après ses soixante et un jours de prison préventive, parut d’abord fort aigri contre ses anciens protecteurs : « Ces coquins, écrivait-il à son frère, dont l’incroyable lâcheté m’a fait mettre au Cherche-Midi, espéraient bien que j’y laisserais mes os. » Auguste Du Paty envoya la lettre à un journaliste radical, avec ce commentaire : « Si mon frère, qui est fort malade, ne peut aller à Rennes, il faut qu’on l’interroge à Paris ; il en a assez des lâches et videra son sac[2]. » Mais, entre temps, le « malade » avait fait remettre à Mercier une note sur le décalque officiel de la dépêche Panizzardi ; il s’y accordait avec son ennemi Cuignet pour soutenir que c’était un faux[3].

Cette vilenie (ou cette sottise) était, pour lui, un moyen de rentrer en grâce. D’ailleurs, il n’avait pas été mis dans la confidence du bordereau annoté[4].

  1. L’expertise avait été confiée à Léopold Delisle, membre de l’Institut, Omont et Guérin.
  2. De Hamamet, 9 août 1899 : « Je vous envoie ci-joint une lettre de mon frère dont, à titre d’ancien abonné à la Lanterne, je vous demanderai de publier l’entrefilet marqué au crayon rouge. Après le mot « gens » vous pourriez mettre « coquins » qui est le mot primitivement écrit… Il faut que la presse force le conseil de guerre à interroger mon frère par commission rogatoire, sinon Gonse et Cie mentiront. » La lettre de Du Paty, du 2 août, et celle de son frère (dont j’ai eu les originaux entre les mains) circulèrent à Rennes ; la Lanterne publia celle de Du Paty.
  3. Rennes, II, 826, Mercier. — Voir p. 297.
  4. Lettre du 3 mai 1899 à son frère : « Tu me parles toujours des lettres de l’Empereur et Roi ; je dois te dire que c’est