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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


siéger et de juger[1]. Un tel coup de théâtre provoquera, à Rennes même, avec l’aide des gens de Guérin, un mouvement[2]. Alors, devant tant de honte, Déroulède, à Paris, descendra dans la rue avec ses bandes, pour chasser « ce gouvernement de l’étranger[3] ».

Mercier, qui tenait à sa peau, nullement à faire Déroulède César ou Philippe Roi, et plus résolu que jamais à ne travailler qu’en souterrain, trouva, apparemment, que ce brutal gâtait tout. Un autre boute-feu, Cunéo d’Ornano, député de la Charente, avait imaginé de raconter dans son journal l’histoire du bordereau annoté ; Mercier eut toutes les peines à empêcher cette publication prématurée[4]. Il fit à Déroulède

  1. C’était le conseil que donnait également Thiébaud (Éclair du 25 juillet 1899), en raison des instructions de Galliffet sur le débat « limité » : « C’est un traquenard dont le conseil de guerre ne brisera l’artifice que par un coup d’éclat, par le refus de siéger ou le refus de juger. » De même la Croix du 26.
  2. Haute Cour, V, 159, acte d’accusation : « Les journaux annoncent pour le 12 ou pour le 14 des incidents au conseil de guerre de Rennes qui provoqueront un mouvement dans la rue et auront certainement à Paris leur répercussion. » De même, rapport du commissaire spécial de Lille sur les propos des meneurs royalistes. (II, 75.)
  3. Discours du 6 : « En face d’un gouvernement agenouillé devant l’étranger. »
  4. Le 3 août, à la suite d’une communication de Ferlet de Bourbonne, le Petit Caporal annonça qu’il publierait le lendemain « une information des plus graves sur la pièce secrète du procès Dreyfus. Cette communication traite aussi, avec une compétence particulière, la question des actes personnels de l’Empereur d’Allemagne dans cette affaire. Nous croyons que la lecture d’une telle communication peut jeter sur le drame qui va se dérouler à Rennes un jour nouveau. » Firmin Faure, député antisémite d’Oran, courut aussitôt chez Cunéo pour le prier, au nom de Mercier, de n’en rien faire. Le lendemain, le Petit Caporal annonça que sur les « instances d’un personnage, dont le nom était intimement mêlé à l’affaire Dreyfus et qui était