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RENNES


une enveloppe et avait grossi depuis jusqu’à « ce miracle de fécondité », près de 400 pièces ; — on n’aurait eu à craindre que l’ironie, les sarcasmes de l’étranger. Au contraire, le huis clos, « dans l’intérêt de la défense nationale », permettait aux légendes que la Cour de cassation avait cru détruire, de repousser. Au passage des porteurs de cette paperasse, les amis de Mercier s’exclamaient que « la preuve de la culpabilité était là » ; les mêmes journaux qui avaient si longtemps raconté que mieux valait mettre le traître en liberté que de faire voir le dossier secret à la justice civile, affirmèrent que le huis clos avait été ordonné, en haut lieu, dans l’intérêt de Dreyfus[1].

Chamoin, le matin où s’ouvrirent les débats, était entré au lycée en même temps que Mercier et « l’avait salué très respectueusement[2] ». Mercier, saisissant l’occasion, lui remit la note, qu’il tenait de Du Paty, sur la traduction de la dépêche de Panizzardi[3], sans lui en nommer d’ailleurs l’auteur ni lui demander autre chose que d’en prendre connaissance[4], et sans que l’idée vînt à Chamoin de refuser une communication aussi irrégulière. Mercier (si on pouvait l’en croire)

  1. Écho, Éclair, etc. — Je réclamai « la publication intégrale du dossier secret » (Siècle du 11 août) ; de même Clemenceau : « Il faut que tout soit montré. Que Demange et Labori aient toujours cette nécessité présente à l’esprit. » (12 août.) — Cassagnac : « Pourquoi les avocats de Dreyfus se sont-ils inclinés aussi facilement devant une pareille mesure ? »
  2. Rennes, II, 224, Chamoin.
  3. Voir p. 240.
  4. Rennes, II, 226, Mercier : « J’ai remis cette note au général Chamoin en le priant de voir s’il y avait quelque chose de vrai là-dedans, et je me proposais de la lui redemander deux ou trois jours après, en lui demandant s’il fallait en tenir compte… » 230 : « C’était à titre de document privé et c’est par suite d’un malentendu complet que le général Chamoin s’est cru autorisé à le communiquer au conseil. »