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RENNES


dussent même ces démentis venir d’une bouche impériale ou royale, je vous demanderai de ne les accepter qu’avec une extrême réserve[1]. — M. Casimir-Perier, dans sa déposition devant la Chambre criminelle, a parlé de la démarche quelque peu insolite qui avait été faite auprès de lui par l’ambassadeur d’Allemagne ; mais il n’a pas été jusqu’au bout de sa déposition. Il n’a pas dit que, ce même jour, nous sommes restés, lui, président de la République, le président du Conseil et moi, de huit heures du soir à minuit et demi, dans son cabinet, à l’Élysée, à attendre si la paix ou la guerre allait sortir de cet échange de communications[2]. J’avais ordonné au chef d’État-Major, M. le général de Boisdeffre, de m’attendre au ministère de la Guerre avec le nombre d’officiers nécessaires pour expédier immédiatement, si besoin était, les télégrammes prescrivant la mise en vigueur des mesures préparatoires de la mobilisation. Vous voyez que nous avons été à deux doigts de la guerre[3].

Du moment que l’Empereur allemand « s’occupe lui-même et souvent des affaires d’espionnage », « qu’il correspond directement avec ses agents », quoi d’étonnant qu’il ait annoté le bordereau ? Si la guerre, un soir, a été à la veille de sortir de l’affaire Dreyfus, comment ne pas conclure que l’Empereur allemand avait un intérêt personnel à ne pas être compromis dans cette basse histoire d’espionnage ?

Le récit de cette prétendue « nuit tragique » est le morceau capital de la déposition de Mercier, celui qui

  1. Rennes, I, 83, Mercier.
  2. Compte rendu sténographique : « M. Casimir-Perier fait un geste de dénégation. » (Sensation.) — Mercier, dans son compte rendu revisé, supprime cette parenthèse.
  3. Rennes, I, 97, Mercier. — Compte rendu sténographique : « M. Casimir-Perier fait un geste pour demander la parole. » Supprimé au compte rendu revisé par Mercier.