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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


applaudissements partaient de tous les coins de la salle. Le capitaine de gendarmerie, préposé à sa garde, le fait rasseoir. Mercier, tout à coup très pâle, tous ses traits se contractant, essaie de reprendre sa phrase : « Je viendrais dire…[1] » ; mais Dreyfus lui crie à nouveau : « C’est votre devoir ! » et les derniers mots du général se perdent dans le tumulte des acclamations et des huées. On entend à peine que « sa conviction n’a pas subi la plus légère atteinte » et qu’aucune preuve n’a été apportée en faveur du condamné, « malgré l’énormité des millions follement dépensés. »

Il était midi et l’audience avait commencé un peu après six heures. Comme Demange se levait à son banc[2], Jouaust prononça l’ajournement des débats au surlendemain (le lendemain était un dimanche), mais sans oser interrompre Casimir-Perier qui s’était avancé à la barre et demandait, « d’une voix violente[3] », à être confronté avec Mercier.

Claretie dit très bien qu’il parut, en ce moment, incarner la loi, le pouvoir civil.

À la sortie, un journaliste[4], comme Mercier passait devant lui, le traita d’assassin[5].

  1. Rennes, I, 143, Mercier : « Je viendrais dire au capitaine Dreyfus : Je me suis trompé de bonne foi, je viens avec la même bonne foi le reconnaître, et je ferais tout ce qui est humainement possible pour réparer une épouvantable erreur. »
  2. « Le Président (au général Mercier) : Vous avez terminé ? — Mercier : Oui. — Me Demange se lève pour poser une question. — Le Président : L’audience sera reprise lundi matin. » (Rennes, I, 143.)
  3. Petite République du 13 août 1899.
  4. Georges Bourdon, rédacteur au Figaro, secrétaire adjoint de la Ligue des Droits de l’Homme.
  5. Matin du 13 : « Je suis désolé d’avoir cédé à un mouvement d’indignation… Au moment où le général Mercier passait devant moi, je n’ai pu me retenir de dire entre mes dents Sauf l’Aurore, où Clemenceau écrivit que « c’était le mot de