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RENNES


avec quelque chose d’inquiétant, presque d’effrayant.

Il ne manquait au drame qu’une querelle de médecins. Labori ne voulut recevoir Doyen qu’en « camarade » ; Reclus et ses confrères l’écartèrent de leurs consultations et même de l’examen radiographique de la blessure. Doyen, humilié, irrité surtout qu’on l’accusât d’être moins l’ami du blessé que de la réclame, s’en prit publiquement aux « non-interventionnistes » ; leur seule excuse, « c’était qu’on succombait en général à leurs opérations » ; sur quoi, déclaration de Labori qu’il ne se serait adressé à lui en aucun cas, et conclusion de Drumont que la balle était aussi introuvable que le meurtrier[1].

Le 14, quand Jouaust avait rouvert l’audience, après une suspension d’une heure, Demange se borna à indiquer « qu’on espérait que les blessures de Labori ne seraient pas graves et qu’il pourrait reprendre bientôt sa place au procès[2] ». Cela parut froid. Le 16, sur une note des médecins « qu’il n’était pas impossible que Labori fût en état de reparaître le 21 », Dreyfus demanda l’ajournement des débats jusqu’à cette date[3]. C’était un hommage mérité à Labori, mais contraire à une disposition formelle du Code militaire : « Les débats ne peuvent être interrompus plus de quarante-huit heures sans être recommencés en entier[4]. » Le conseil, à l’unanimité, décida de continuer[5].

  1. Figaro des 18 et 19 août 1899, conversation avec Doyen et dépêche de Labori ; Libre Parole du 23, Croix du 26, etc.
  2. Rennes, I, 147, Demange.
  3. Requête de Dreyfus au président du conseil de guerre : « Ma défense est complètement désorganisée, chacun de mes avocats ayant un rôle absolument distinct. » — Le conseil n’avait pas siégé le 15, jour férié.
  4. Article 129.
  5. Rennes, I, 229.