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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


donnée, du rapport officiel sur le séjour de Dreyfus à l’île du Diable. Alors Dreyfus, les yeux droits sur Lebon : « Je ne suis pas ici pour parler des atroces tortures qu’on a fait subir pendant cinq ans à un Français et à un innocent, mais pour défendre mon honneur. »

Lebon, cette fois, perdit un peu de sa contenance, comme frappé au visage, et il demanda à se retirer[1].

XIII

Les dépositions des jours suivants, sans éclairer l’affaire de lumières nouvelles, achevèrent de préciser la physionomie des débats : la bataille de mots qui ressemblait le moins à un procès. — En Angleterre, dans tous les pays où le mot témoignage a reçu de la loi ou de l’usage une définition stricte, Roget, Cuignet, Cavaignac, vingt autres dans les deux camps, qui ne savaient rien que de seconde main ou qui parlaient de faits parfaitement étrangers à la cause, eussent été arrêtés au premier mot[2]. — Il n’y avait qu’une question, où Jouaust et la défense eussent dû ramener tous les témoins : « Dreyfus est-il fauteur du bordereau ? » Ce dont on parla le moins, ce fut du bordereau. Dès la troi-

  1. Rennes, I, 247, « Lebon : Puis-je me retirer ? » Demange fait signe qu’il n’y voit aucun inconvénient.
  2. Russell of Killowen, loc. cit., 320 ; Chevrillon, etc. — Autre remarque du Chief Justice : « L’une des sauvegardes inappréciables de la vérité, le droit pour l’avocat d’interroger directement les témoins, n’existe pas devant la justice française. »