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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la Cour de cassation que la culpabilité de Dreyfus était « formellement affirmée » dans une pièce d’origine étrangère[1], il l’entendait de la lettre de Schneider, l’attaché autrichien, qui avait été versée par Mercier[2].

L’admirable du système de ces quelques hommes, c’est que, chaque fois qu’ils travestissent les paroles ou falsifient les écrits des attachés étrangers, ils préviennent que ce sont des menteurs, si bien que les démentis subséquents se trouvent infirmés du même coup.

Schneider, malade à Ems, dès qu’il est averti de la déposition de Mercier, télégraphie, puis écrit : « La lettre du 30 novembre 1897 est un faux… À cette date, mon opinion était absolument contraire à celle qui se trouve exprimée dans la pièce en question… Si le texte émane de moi, à une époque antérieure, l’apposition de la date et de la signature au brouillon volé n’en constitue pas moins un faux[3]. »

C’est bien là l’imposture d’Henry, et les juges n’en ignorent pas, puisqu’ils ont vu de leurs yeux le brouillon au crayon, sans en-tête[4], avec la fausse date. Cependant Cuignet déclare « qu’on sait assez, en France, ce que valent les dépêches d’Ems », et que tous les attachés militaires étaient également intéressés, l’Autrichien et l’Anglais comme Schwarzkoppen et Panizzardi, à « livrer un soi-disant traître » pour sauver le vrai[5].

  1. Cass., I, 69, Roget : « Il y a d’autres pièces, au moins une, plus significative. La culpabilité y est affirmée formellement ; il m’est impossible d’en dire davantage. »
  2. Rennes, I, 339 : « Je n’ai pas eu d’autres pièces en mains. »
  3. Dépêche du 17, lettre du 22 août 1899 au Figaro communiquées au colonel Jouaust. (Rennes, I, 144.) — Voir t. III, 48.
  4. Rennes, I, 511, Jouaust : « C’est un brouillon ; il n’y a pas d’en-tête du tout. »
  5. Ibid., 499, Cuignet.