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RENNES

Panizzardi n’y put tenir, télégraphia un démenti catégorique : « Sur mon honneur de soldat et de gentilhomme, je n’ai appris le nom du capitaine français qu’à l’époque de son arrestation[1]. »

La déraison de Cuignet, née du succès de sa passagère clairvoyance, s’était encore accrue de ses dernières disgrâces, — la peine disciplinaire dont il avait été frappé par Krantz et l’effondrement de ses accusations contre Du Paty[2]. — Il parla avec une telle haine, les yeux hors de la tête, donna comme des certitudes de si misérables inventions que Dreyfus se leva, cria « qu’il ne pouvait pas entendre tout le temps de pareils mensonges[3] ».

Bien que la malhonnêteté intellectuelle à ce degré semble inséparable d’une certaine improbité morale, il était resté, dans l’ordinaire, très galant homme. Ainsi, il avait refusé de Galliffet un secours que, chargé de famille et n’ayant pour vivre que sa maigre solde de non-activité, il eût pu accepter fort honorablement, comme le général le lui avait offert, et sans rien aliéner de sa liberté.

Boisdeffre, sous un certain air grand et mélancolique où entrait autant de calcul que de fatigue, fit, d’une voix morne, une déposition atroce. Il était remis de la crainte qui l’avait jeté aux pieds du père Du Lac quand la Némésis parut proche[4] et, soit qu’il ne crût pas

  1. Dépêche au Figaro de Rome, 17 août 1899 ; lettre du 18 au comte Tornielli.
  2. Demange fit donner lecture de la partie de la déposition de Cuignet, devant la Chambre criminelle, où il imputait à Du Paty les faux et toutes les manœuvres d’Henry. Cuignet, après quelque hésitation, dit qu’il s’inclinait devant la chose jugée, le non-lieu rendu par Tavernier. (I, 510.)
  3. Rennes, I, 491, Dreyfus.
  4. Voir p. 148.