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RENNES

XX

« Le conseil de guerre n’ayant rien voulu savoir de l’enquête de la Cour de cassation, ni du programme judiciaire où l’enferme la loi, il en résulte que toutes les anciennes démonstrations sont à refaire. »… Seulement, depuis dix-sept séances, « il n’a pas encore été dit un mot de l’unique question posée devant le conseil : Connaîtriez-vous quelque fait qui vous permît de penser que Dreyfus, ici présent, ait pu livrer à une puissance étrangère les pièces mentionnées dans le bordereau d’Esterhazy[1] ? »

Ainsi parlait maintenant Clemenceau, après avoir aidé, lui aussi, à démolir les instructions de Galliffet à Carrière ; mais il se rendait compte de la faute commise à ses conséquences.

Obliger le conseil de guerre à revenir au cas étroit de Dreyfus, qui n’était point, comme Waldeck-Rousseau n’avait cessé de le dire, l’affaire Dreyfus, l’opération, qui n’aurait été aisée à aucun moment, était plus difficile de beaucoup qu’il y a un mois. Il y avait pourtant un moyen d’endiguer le flot, à savoir, comme c’était la constante prière de Mathieu Dreyfus et la mienne depuis le premier jour du procès, d’obtenir de l’Allemagne les notes du bordereau. Demange, puis Labori, adressèrent à Waldeck-Rousseau la même requête : « Sinon, disait Labori, tout est perdu, irrévocablement perdu[2]. »

  1. Aurore des 24 et 30 août 1899.
  2. Labori fit porter sa lettre par un de ses secrétaires qui me la communiqua. Mathieu m’écrivit presque dans les mêmes termes : « il n’y a que cette solution ; c’est là qu’est le salut,