Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/463

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RENNES


délicate, et, sans presser sur les juges, rien qu’en leur fournissant les pièces dont Zurlinden lui-même regrettait l’absence, d’épargner à l’armée l’éclaboussure d’une nouvelle injustice.

Il se décida ainsi, après mûre réflexion, à sonder d’abord le gouvernement de Berlin et, pour qu’une réponse décourageante, si elle se produisait, eût le moins possible d’inconvénients, non seulement à ne pas employer Delcassé, mais encore à ne pas intervenir lui-même à titre officiel et à s’adresser d’homme à homme au conseiller de Below qui gérait l’ambassade en l’absence de Munster. Below, prévenu par un intermédiaire, se prêta de la meilleure grâce à cette procédure inusitée ; le jour même où il eut à son domicile particulier un entretien prolongé avec Waldeck-Rousseau, il télégraphia au comte de Bulow, qui était à la fois chancelier et ministre des Affaires étrangères, et qui en référa à l’Empereur[1].

La réponse, de Bulow à Below (du 21 août), fut négative :

Le gouvernement allemand a le désir sincère de rendre service au gouvernement français ; mais la façon dont les organes officiels français ont ignoré la déclaration faite par M. de Bulow, en sa qualité de représentant du gouvernement impérial devant le Parlement, « que jamais l’Allemagne n’avait eu affaire avec Dreyfus ni directement ni indirectement », exclut, d’après l’opinion et d’après la volonté exprimée par S. M. l’Empereur, la possibilité que le gouvernement impérial s’intéresse désormais, par des démarches quelconques, à cette affaire intérieure française.

Le refus, d’une dure franchise, semblait péremptoire. D’autre part, le seul argument invoqué était inexact,

  1. En 1899, le comte de Bulow était seulement ministre des Affaires étrangères ; il fut nommé chancelier l’année suivante en remplacement du prince de Hohenlohe (19 octobre 1900).