VI
Un tel état des esprits, toujours au maximum de la violence, n’était pas fait pour rassurer les défenseurs de Dreyfus, malgré tant de progrès parmi les républicains et la force croissante de la vérité. L’idée que les Chambres réunies rejetteraient la revision sous quelque prétexte de droit qu’on peut toujours trouver, peut-être à une voix, obsédait les plus confiants. À la veille de la première réunion plénière de la Cour, Mornard déposa une requête tendant à la récusation des trois membres de la commission consultative, Petit, Crépon et Lepelletier, qui s’étaient prononcés, en septembre, contre Dreyfus[1]. Il invoqua les principes généraux de la législation ; la disposition (due à l’initiative de Mazeau lui-même) de la loi de 1895, qui exclut « de la juridiction chargée de dire droit » les conseillers qui ont été appelés à donner un avis préalable ; un autre texte, encore de Mazeau, sa lettre à Lebret, où il écartait de l’enquête sur les révélations de Quesnay ces mêmes magistrats, bien qu’ils fussent les doyens de la Cour[2] ; enfin la réponse de Guérin à Demôle, dans la dernière séance du Sénat, sur l’inutilité d’un texte spécial pour les exclure du jugement, puisque cela allait de soi.
Les Chambres réunies, après avoir déclaré la requête recevable en la forme[3], la rejetèrent au fond, à la demande des trois conseillers, qui protestaient de leur entière indépendance d’esprit, et sur le rapport de Ballot-