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CHAMBRES RÉUNIES


Beaupré. Il soutint, contre Manau, qu’une « affaire nouvelle » était surgie de l’enquête ; l’opinion de Guérin, pour considérable qu’elle fût, n’engageait que lui ; l’amendement de Demôle ayant été repoussé par le Sénat, le silence de la loi, l’absence d’un texte spécial, ne permettaient pas la récusation[1].

Il était certain que le Sénat avait été trompé par la déclaration de Guérin, lui-même de bonne foi, mais qui ne parlait pas, comme on l’avait pu croire, au nom de Dupuy. Question fort complexe, dès lors, et propre à faire hésiter les meilleurs. Plusieurs, qui étaient déjà résolus à la Revision, votèrent avec Ballot par scrupule de jurisconsulte (le respect de la lettre écrite) ; d’autres, par camaraderie pour leurs trois collègues ; d’autres, enfin, dans la pensée que Petit, Crépon et Lepelletier les aideraient à enterrer l’Affaire.

Guérin, fort gêné, déclara, dans les couloirs du Sénat, que les trois conseillers se devaient, après avoir eu gain de cause, de se récuser eux-mêmes. Mais ils n’en firent rien et reprirent leur siège[2].

Depuis dix-huit mois que durait cette lutte, quelques-uns des promoteurs de la Revision étaient devenus fort nerveux, dans une tension perpétuelle de toutes les fibres du cerveau, au milieu de tant de passions et sous cette impopularité dont on ne savoure les amères délices que par le souvenir, quand le temps a passé sur tant de douleurs et de dégoûts.

On s’alarma donc fort de ce premier vote, qui semblait hostile, et l’inquiétude s’accrut des rumeurs que répandaient les amis de Dupuy, qui se disaient assurés de la majorité.

Les projets les plus divers furent agités : Galliffet

  1. 24 mars 1899.
  2. 27 mars.