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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


d’honnêtes gens. » Il démêlait, d’ailleurs, de si loin, avec beaucoup de perspicacité, le jeu des partis : « Des protestants et des universitaires veulent le jour au nom de la liberté et de la raison ; les catholiques hurlent pour amener de la cohésion dans un parti qui ne peut plus prendre le Pape et Rome comme mot d’ordre ; les juifs sont attaqués parce qu’ils ont une large part de la fortune de la France ; les royalistes et les impérialistes veulent faire croire à la pourriture du régime qu’ils ont entrepris de renverser ; les collectivistes signalent les fautes des capitalistes et des chefs militaires, pour continuer leur œuvre de destruction. » Enfin, le discours de Cavaignac (du 7 juillet), avec la divulgation de deux des pièces secrètes, l’ébranla d’une forte secousse ; il comprit qu’il devait rentrer en France, parler.

Le 2 septembre, un câblogramme, communiqué à tous les postes militaires, annonça les aveux et la mort d’Henry. Aussitôt, toute la lumière se fit en lui : Dreyfus était innocent.

Il avait espéré s’embarquer en octobre, ne quitta Majunga qu’en janvier (1899), puis, dès son arrivée, courut chez l’un de ses amis, professeur à Versailles[1], lui déclara son intention de faire son devoir, « advienne que pourra ». Le professeur avisa Lockroy, dont relevait le capitaine d’infanterie de marine.

Comme Lockroy attendait d’être saisi d’une demande régulière[2], Freystætter, deux mois durant, ne reçut aucune convocation, cependant que des indiscrétions filtraient. L’ami avait écrit également au sénateur Fabre ; Freystætter lui-même, déjeunant chez un député (Lanessan), fit allusion à la communication en

  1. Caviale.
  2. Lettre du 6 avril 1899 à Joseph Fabre.