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L’AMNISTIE


était inutile, puisque le Sénat avait pris son parti, et l’on n’attendait qu’un discours, celui de Waldeck-Rousseau, parce que, seul, il pouvait donner de la loi un commentaire qui relèverait au-dessus d’un expédient, réserverait, au delà de l’ère close des procès, les droits de la seule justice qu’on ne dessaisit pas, et mettrait ainsi les républicains à l’aise avec leur conscience.

Quand il s’était rallié à l’amnistie, il s’était souvenu des paroles de Gambetta au sujet d’une autre amnistie : « Il y a un moment où, coûte que coûte, il faut jeter un voile sur les défaillances, les lâchetés et les excès commis… » ; et quelque différentes que fussent les circonstances, quelque différents que fussent les crimes, il s’était persuadé que le moment était venu de nouveau où le devoir de l’homme d’État, qui n’est pas un historien vivant dans le passé ni un philosophe vivant dans la spéculation, c’est d’arracher le pays à l’obsession du drame d’hier pour l’orienter résolument vers l’avenir.

Comment tenter une politique d’action si, au lieu « de rassembler et d’unir » les forces du pays en vue de l’œuvre de demain, « on les épuise dans la répression » des fautes du passé ? « C’est la raison d’être des amnisties. »

Tel fut le fond solide sur lequel il éleva l’argumentation de son discours, qu’il méditait depuis de longs mois et qu’il méditait douloureusement, « parce qu’il hono-

    précédente, il y avait vu afficher une dépêche, datée de Rennes, signée de mon prénom, émanant certainement de moi : « Les généraux Mercier, Boisdeffre, Gonse, écrabouillés avec tout l’État-Major. » Comme le Gaulois avait annoncé l’incident, j’écrivis à Fallières que je n’avais pas été à Rennes, pendant le procès, et que je n’avais envoyé aucune dépêche à aucun Allemand, à Ems ni ailleurs. Fallières interrompit Lambert pour donner lecture de ma lettre.