Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
LE BORDEREAU ANNOTÉ


seuls défenseurs de la justice ! Non, vous n’avez pas le monopole de l’idéal, de la justice et de la vérité ! »

La droite et le centre acclamèrent cette véhémente improvisation, Jaurès s’élança à la tribune.

« Quelle singulière idée », dit-il à Ribot, « vous faites-vous de la politique ? … Quoi ! c’est rabaisser une grande cause et une grande bataille en disant que la politique y a été mêlée ! » Et, sans doute, elle y a été mêlée, mais point de la façon qu’a dite Ribot, car Jaurès, lui, a quelque droit de rappeler qu’il est de ceux « qui ont risqué dans cette lutte leur popularité et celle de leur parti ». À des revendications qui s’inspiraient au début du souci exclusif de la vérité et du droit, les partis de réaction ont opposé, « non pas seulement une conviction contraire, mais la coalition de toutes les forces d’autorité et de mensonge ».

Les socialistes furent d’abord seuls à applaudir ; mais bientôt les radicaux s’échauffèrent, parce que Jaurès montrait maintenant « que la politique du faux avait été le produit d’une longue éducation jésuitique » et que c’était là « le caractère grandement politique de la lutte ».

Il termina par un coup droit à Ribot : « Je suis sûr qu’à certaines heures vous regrettez des abandons qui ont été funestes à vos idées. » Pour lui, il défendra toutes les siennes et ce ne sont point les clameurs de la Droite « qui l’empêcheront de faire éclater ici même (devant la Chambre) la vérité qu’il possède ».

IX

Ce que Jaurès annonçait comme la vérité, — ce que l’on avait pu reconstituer de l’histoire du bordereau