Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


annoté, — apparut seulement comme une hypothèse, malgré la solidité de son récit, l’enchaînement des faits, le choix heureux des citations, la lettre de Dumas sur ses entretiens avec Merle, qu’il lut, — joua, — avec un art consommé ; on crut voir, entendre le tenace et importun médecin, l’officier effaré à l’idée qu’on lui pourrait attribuer la divulgation du redoutable secret. Il occupa la tribune pendant toute la séance du 6 avril et, le 7, pendant plus de deux heures, d’une force physique inlassable, tenant tête avec un beau calme aux violences, sincères ou factices, de la Droite et des nationalistes, vidant son énorme dossier jusqu’à la dernière note, persuasif et impérieux, abusant, à son ordinaire, des grands mots, des formules sonores et usées, mais s’élevant parfois très haut, d’un grand vol droit et puissant.

Il eut vite fait de montrer à quel point la commission, chargée de l’enquête sur l’élection de Syveton, avait manqué à sa tâche. Elle avait entendu longuement les témoins des deux candidats, Mesureur lui-même, sur l’organisation des Comités nationalistes, leurs bandes d’afficheurs, leurs camelots, de prétendues distributions d’argent, toutes sortes de procédés fâcheux, qui appelaient le blâme, mais rien, en somme, qui dépassât l’ordinaire des luttes électorales à Paris et qui viciât l’élection. Mais sur ce qui faisait l’objet même de l’enquête, la lettre de Galliffet, le commentaire qu’en avait donné Lemaître, la Droite et le Centre, qui se trouvaient par hasard en majorité dans la commission, avaient glissé, par esprit de parti et comme par peur de savoir. Galliffet ayant déclaré « qu’il ne répondrait rien », parce qu’il se considérait « comme astreint au secret professionnel » et « relevant seulement du jugement de la Haute-Cour », la Commission s’inclina ;